Tous les mois, Etienne Lejeune, avocat au Barreau du Havre, répond à des interrogations suscitées par des articles de Normandie-actu. Ce mois-ci, les réseaux sociaux…
Chaque mois, Me Étienne Lejeune, avocat au Barreau du Havre (Seine-Maritime), va nous éclairer sur des questions qui se sont posées au regard de l’actualité.
En décembre 2018, penchons-nous sur les réseaux sociaux, et plus précisément sur les publications et commentaires. Le mouvement des Gilets jaunes ces dernières semaines et certains sujets tels que l’immigration suscitent bien souvent des commentaires virulents, voire violents. Pourtant, l’expression sur les réseaux sociaux est encadrée par la loi.
« La liberté d’expression n’autorise pas tout »
Normandie-actu : Quels sont les différents types de publications et commentaires attaquables sur des pages publiques de réseaux sociaux ?
En France, près de 40 millions de personnes sont actives sur les réseaux sociaux. Autant de personnes qui « likent », « retweetent », « partagent », « postent », … La liberté d’expression n’autorise pourtant pas tout ! Et le Code pénal en fixe les limites.
Sur les réseaux sociaux la diffamation et l’injure sont punissables, de même que la diffusion de messages de menace, d’incitation à la haine, d’apologie du terrorisme, de messages racistes ou homophobes ou encore de messages portant atteinte à la vie privée.
Le cyberharcèlement est également répréhensible. Un délit particulier a d’ailleurs été créé en août 2014 : « le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail ». Lorsque ces faits sont commis en ligne, la peine passe à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
Attention ! Sur les réseaux sociaux, le titulaire du compte n’est pas seul responsable des propos illicites. Les « followers », « abonnés », « amis » et autres « fans » qui les approuvent publiquement (un « like » par exemple) ou les partagent, risquent aussi des sanctions. Au tribunal, « retweeter c’est approuver » ! Enfin, le dénigrement est punissable devant les juridictions civiles.
Des amendes ou de la prison
Que risquent leurs auteurs ?
En fonction des infractions commises, les auteurs de propos illicites encourent des peines de prison et/ou d’amende. Ils peuvent également être condamnés à verser des dommages et intérêts aux victimes. Les juges tiendront compte du préjudice subi, qui peut être très important dans certains cas. Le réseau social peut aussi suspendre ou clôturer leur compte.
Quand un salarié tient des propos injurieux sur les réseaux sociaux envers son employeur ou dénigre son entreprise, il peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire à la condition que les propos aient eu un caractère public. Cette sanction peut aller jusqu’au licenciement.
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Comment (à qui ?) signaler un commentaire haineux à mon égard sur les réseaux sociaux ?
Si vous êtes visé par des propos illicites, vous pouvez déposer plainte auprès de la police ou de la gendarmerie. Vous pouvez aussi écrire directement au procureur de la République qui peut exiger auprès du réseau social (en sa qualité d’hébergeur) la communication de toute information, notamment l’adresse IP pour identifier l’auteur des faits. Un réseau social encourt une peine d’un an d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende en cas de refus (article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique).
Pour les infractions les plus graves (répression de l’apologie des crimes contre l’humanité, de la provocation à la commission d’actes de terrorisme et de leur apologie, de l’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap ainsi que de la pornographie enfantine, de l’incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine), les réseaux sociaux doivent mettre en place un dispositif de signalement pour permettre aux internautes de dénoncer ce type de contenu. Dès qu’il est informé le réseau social doit signaler les faits aux autorités.
Et quid des fake news et autres rumeurs partagées sur les réseaux sociaux ?
Le droit ne peut malheureusement pas faire grand chose face à la rumeur. Et s’il le peut, c’est dans un trop long délai : en attendant, le mal est fait. Certaines fake news peuvent tomber sous le coup de la diffamation, mais l’énorme difficulté est de retrouver l’auteur initial de l’infox. Indépendamment d’une éventuelle action judiciaire il est possible de faire une demande de droit de réponse ou de suppression auprès de l’auteur ou du réseau social.
Source: actu.fr